Cannes 2009 #1

Intro

Cannes 12 mai 2009. L’année dernière, la rédaction des Cahiers animait, on s’en souvient, un portail cannois. Ou plutôt, c’est un problème, on ne s’en souvient pas. Expérience non aboutie et frustrante pour de nombreuses raisons – nous étions au milieu d’un processus de reprise et de crise dont l’issue fut le rachat par les éditions Phaidon. Les nouveaux propriétaires de la revue n’ont pas souhaité s’engager cette année à Cannes pour prolonger les précédentes tentatives de couvrir le festival au jour le jour. Il est impossible de remplacer les Cahiers sur leur terrain, même lorsqu’ils n’y font rien. Ce titre occupe une place telle qu’il est impossible de s’y substituer.
Depuis quelques semaines, nous nous demandons comment raconter ce festival, par quels moyens, dans quelle économie. Le dernier film de Raya Martin, découvert en avance pour les besoins de la rédaction du dossier de presse qui accompagnera sa projection dans la sélection Un Certain Regard, nous est apparu un exemple à suivre – une sorte de manifeste, un programme esthétique et pratique. En deux mots, le film raconte la résistance philippine à la colonisation américaine en falsifiant ses images pour qu’elles paraissent provenir d’un vieux film exotique de studio hollywoodien, comme Anatahan. L’avenir des survivants est archaïque – « the old is the new new », disait Raya Martin. The new new is the old, répondrait Jean Douchet, qui appelle encore et toujours à revenir aux origines de la critique, à « une revue insolente, scandaleuse, partisane ». Pour l’heure, nous ne savons évidemment pas si Independencia peut être cette revue. Mais il faut commencer par là, par un prototype sauvage, non-prémédité, sans l’évidence d’un avenir.
Independencia n’est pas un site web 2.0. Nous sommes tous d’accord pour penser que la critique peut renaître sur Internet. Cela ne veut hélas pas dire que le renouvellement réside dans des prouesses techniques. Hormis quelques exceptions ponctuelles ou pérennes, comme l’adresse musique, pizzas de Louis Skorecki, le blog s’est parallèlement révélé être soit une obligation mal vécue, soit une dépendance confortable pour quelques signatures connues, actives ou en pré-retraite.
Independencia est, pour l’heure, un calendrier vide d’exploits à venir. Pour Cannes, son programme est d’être une sorte d’agenda. Entretiens vidéos de longueurs variables, documents volés, notations précises, tableaux de notes, contre-critiques, nous verrons bien. Le temps est précieux, et tout désir d’écriture est gagné sur l’appel de la salle. Le temps et le désir manquent ce soir pour écrire quelques lignes sur les deux films présentés aujourd’hui en sélection officielle, Up des studios Pixar et Chun Feng Chen Zui De Ye Wan (« Nuits torrides du printemps ») du chinois censuré Lou Ye. On y revient demain. Up vaut un bon 7,3 (le film met Hook et Le Château ambulant en 3D, l’un pour les déglutitions, l’autre pour la maison volante) et Lou Ye mérite 6,7 (pas rien, mais problèmes avec la HD).

par Eugenio Renzi, Antoine Thirion
mardi 12 mai 2009