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Série Robert Mitchum

Out of the past

Introduction

« Il faudra changer votre nom ». Le producteur de la RKO Sid Rogell s’adresse à un jeune acteur, qui, sixième au générique de Thirty seconds over Tokyo de Melvyn LeRoy, s’apprête à signer un contrat pour dix ans avec le studio. La pratique est courante à l’époque – John Wayne n’était même pas présent lorsqu’il fut rebaptisé- – et il est vrai que le nom incriminé possède une sonorité plutôt comique, qui rappelle vaguement l’éternuement. Comme nouveau patronyme, le producteur propose Robert Marshall ou Jeff Mitchell. Robert Mitchum refuse.

Robert Mitchum est mort il y a 15 ans, le 1er juillet 1997 d’un cancer des poumons dûment mérité. Les ouvrages qui lui sont consacrés sont plutôt nombreux, mais biographiques pour la plupart. Si l’on décide d’exclure les habituels adjectifs « flegmatique » ou « nonchalant » aussi bien que les exercices d’admiration sur son incroyable « présence », rares sont les textes a s’être véritablement intéressés au travail qu’il produit devant la caméra. C’est à cet aspect que le présent feuilleton est consacré. Lorsqu’on lui demandait ce qui l’avait poussé vers ce métier, Mitchum répondait que si Rin-tin-tin pouvait y arriver, ce serait pour lui du gâteau.

Contre ses propres déclarations, il faut s’interroger sur la manière dont Robert Mitchum a construit Robert Mitchum. Comment ce corps a-t-il peu à peu stabilisé une posture, statique et ironique, autour de plusieurs expressions ou mouvements devenus sa marque de fabrique ? Comment est-il parvenu à créer un type de personnage « mitchumien », reconduit, nuancé ou pris à contre-pied au cours de sa carrière ? En analysant douze des films dans lesquels il a joué (une sélection, certes arbitraire), il faut espérer pouvoir saisir quelque chose de ce qui constitue la mitchumness de Mitchum à l’écran.

Dans une note en bas de page, Luc Moullet écrit que pour réussir une bonne composition, chaque grand acteur a un type d’animal en référence : le mouton pour Stewart, le taureau ou le crocodile pour Wayne, l’oiseau de proie pour Cooper. Un des enjeux principaux de ce feuilleton analytique sera ainsi de déterminer l’animal de référence de Mitchum. Film après film, se dessineront de plus en plus nettement les contours de cet animal mystère tapi derrière l’acteur.

par Pierre Commault
lundi 2 juillet 2012

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