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Les Schtroumpfs 2

Si on n’en fera pas la meilleure surprise de l’été juste pour le style, on peut reconnaître aux Schtroumpfs 2 un sens de l’absurde et une sincérité que n’ont pas la plupart des micro-blockbusters dans son genre, censés arrondir les fins d’étés des studios à grands coups de pub dans les happy-meals. Le film raconte l’intégration, dans une communauté d’hommes, d’une deuxième femme et d’un handicapé mental, avec le Grand Schtroumpf en beau-père idéal, tandis que Gargamel fait son one-man-show à l’Opéra Garnier et la une de L’Express : n’importe quoi. Dans le bon sens du terme.

Deux schtroumpfettes, ce n’est toujours pas énorme, mais la création des Schtroumpfs date de 1958 - cinq ans seulement après celle de James Bond. On a beaucoup reproché à Sam Mendes d’avoir tourné un Skyfall misogyne parce qu’il y racontait comment Moneypenny devient secrétaire et comment Bond se remet de la mort d’une de ses conquêtes d’un soir. L’avantage de l’adaptation de ces oeuvres des années 50 où la femme a rarement le beau rôle, c’est qu’elles se retrouvent obligées de faire des pieds et des mains pour ne pas finir détestables. Ainsi Skyfall est-il tout entier tourné autour d’un personnage féminin héroïque et indépendant, tandis que Les Schtroumpfs 2 place la Schtroumpfette au centre de l’intrigue.

Les créatures bleues évitent l’hyperréalisme et se réfugient dans un aspect cartoonesque qui privilégie l’animation aux textures, ce qui ne signifie pas que les séquences de spectacle numérique soient bâclées. Après L’Odyssée de Pi et en attendant le Noé de Darren Aronofsky, Les Schtroumpfs 2 s’inscrit dans la tendance hollywoodienne au nouveau bestiaire, du plan plutôt courageux d’un canard parlant au milieu d’autres réels, au vol à dos de cigognes traversant les arcs-boutants de Notre-Dame. Comme si elles avaient conscience que personne ne les regarde, les images se lancent dans une sorte de passionnant délire, en particulier lors de la longue séquence du numéro de Gargamel à l’Opéra où sur la scène apparaît un chat géant, laissant le public bluffé devant des effets spéciaux qu’il ne comprend pas. C’est là le nouvel idéal des animateurs comme des réalisateurs : retrouver une magie au cinéma que les spectateurs ne sauront expliquer. Contourner cette certitude que l’ordinateur, aujourd’hui, peut tout. Sorti il y a 4 ans, La Nuit au Musée 2 finissait dans un musée hyper-interactif où un squelette de T-Rex en images de synthèse devenait aux yeux des visiteurs un hologramme vivant issu d’une technologie inexplicable. Sorti en mars dernier, le remake du Magicien d’Oz par Sam Raimi s’achevait à son tour sur le fantasme d’un public à nouveau sidéré par la technique. Les Schtroumpfs 2 ressemble à ce vieux laboratoire de Gargamel caché au fond de la forêt des blockbusters, où un bocal posé sur une étagère contiendrait les rêves conservés d’un cinéma de sorcier, dont la seule technologie aurait retrouvé le pouvoir d’étonner.

par Camille Brunel
vendredi 9 août 2013