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Cactus River

mardi 16 octobre 2012

Appendice à Mekong Hotel, Cactus River en est aussi une version alternative, le nouveau chantier du cinéaste sur le fleuve progressant, comme le précédent dans la région de Nabua, par excroissances successives. Le nouvel opus ressemble au bonus d’un long-métrage à venir, qui prendrait peut-être, comme Oncle Boonmee…(2010), la forme d’une collection ou d’un best of venant clore le cycle. Impossible pourtant de placer ces histoires différentes sur une frise chronologique, tant le système de redistribution des rôles et des figures à l’œuvre ici est sophistiqué. Sans doute faudrait-il plutôt situer les différents territoires arpentés par les personnages sur une carte du pays, puis localiser les lieux de l’action, la maison par rapport à la jungle, la rivière près de l’hôpital, voire dessiner le plan de l’hôtel, chambre par chambre, pour retracer leurs faits et gestes. Rien ne dit que la tante Jen de Mekong Hotel n’est pas celle d’Oncle Boonmee…, ni que l’un des films se déroule avant l’autre. Elle a des souvenirs dans l’un et l’autre endroit, si lointains parfois qu’ils ressemblent plus à des augures. Rebaptisée Nach (« Eau ») pour conjurer une prédiction qui n’appartient qu’à elle, l’actrice joue dans Cactus River son propre rôle, son emploi seul la distinguant de celle qu’elle interprète dans Mekong Hotel. Le nom de Jen figure d’ailleurs dans une curieuse table de correspondance des couleurs et des individus, entrevue au milieu de ce film en noir et blanc, comme un rappel de son existence. C’est dire que les personnages d’Apichatpong Weerasetakhul possèdent mieux que le don de réincarnation ou d’ubiquité : celui de vivre plusieurs vies, et même plusieurs époques en même temps. Mariée à un soldat américain natif du Nouveau-Mexique, Jenjira Pongpas a devant le fleuve, au bord duquel elle habite désormais, des visions du désert. Quand la Thaïlande répare encore les dégâts causés par les inondations meurtrières de l’année dernière, elle craint que le fleuve jadis en crue ne se tarisse définitivement. Hanté par la peur, son quotidien, entre la cuisine de l’hôtel et la confection de souvenirs pour touristes, n’en parait que plus précieux. A ses yeux, le vol au ralenti du skateur ne suspend pas seulement l’instant, il lui confère la valeur d’un souvenir échappé à une catastrophe encore à venir.

MP

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