33e Cinéma du réel, Paris 25 mars - 6 avril 2011

Billet #3

lundi 28, news from...

Los Abrazos del Rio
Nicolàs Rincón Gille, Belgique 2010, 73mn.
4.9
Je visais Leo Hurwitz, Henri-Cartier Bresson, les années 30, la guerre d’Espagne et le cycle des Invisibles. C’était sans compter le fait que pour chaque séance, autant de places sont réservées aux tickets payants qu’aux accrédités. Il y a 144 sièges dans le Cinéma 2, et je suis le 73e accrédité de la file. Changement de cap donc, direction la Colombie, le fleuve Magdalena, la Petite Salle, avec dans l’idée que le destin vient de se manifester et que je vais découvrir une perle. Mais le désert du réel est aussi un lieu sans présages : Les étreintes du fleuve n’a pas grand chose d’exceptionnel. C’est une pièce à conviction, un témoignage purement nécessaire. En Colombie, d’anciens miliciens font régner la terreur, au moment où vous lisez ces lignes. Ils torturent, mutilent, et rejettent à l’eau les enfants de ces femmes qu’a rencontrées Nicolàs Rincón Gille, pour des raisons que le film n’explique pas.
Pas facile de noter des documentaires. Parce que toute réalité mérite d’être connue, des réveillons solitaires de Me llamo Peng aux scènes de pêches nocturne d’Abrazos del Rio. Tout documentaire est fondamentalement intéressant. Même le plus raté d’entre eux garde plus d’intérêt qu’une mauvaise fiction, qui ne sera jamais que le résultat d’une lubie artificielle, absurde et possiblement vaine. Ce qui explique qu’on ait du mal à mettre de mauvaises notes, à descendre en-dessous de 5.
Le point central du film de Gille, c’est donc l’eau du fleuve. “Il n’y a plus de poissons dans le Magdalena”. Les scènes de pêcheurs bredouilles et de prières sur les rives constituent en fait un documentaire dans le documentaire, où l’écologie sert, de manière métaphorique, le propos qui consiste à dire que le courant vif ne porte plus que la mort, les cadavres ayant remplacé les poissons. Mais nous revoilà dans le cycle de la tradition orale - cette fois, l’expression a même été prononcée par le réalisateur lors de l’échange. De la caméra comme magnétophone ? Cette 33e édition du festival témoigne plus que jamais de l’urgence omniprésente d’enregistrer les récits, de les consigner tous, ceux des origines (les paysans parlent sans cesse du Mohan, sorte d’esprit du fleuve) et ceux des crimes (les enlèvements, longuements racontés, un peu trop longuement, par des mères éplorées). Entre écologie, anthropologie et politique, le plus beau plan dure une vingtaine de secondes. La géante photo d’un visage dérive à la surface du fleuve, montée sur un radeau. Les mains sur la bouche, l’image penchée sur le fleuve désert retient ses cris, ou sa nausée. C.B.

par Camille Brunel
lundi 28 mars 2011

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