Robot

Cela pourrait être un argument de teen-comedy : une jolie adolescente, fâchée contre sa mère, la transforme en ours. Gag. Il s’agit pourtant du « dernier Pixar ». À une époque, l’expression n’était pas sans superbe, aujourd’hui elle sonne comme un présage. La princesse Merida, l’adolescente en question, ne prend pas la relève de Wall-E mais de Raiponce, comprenez : Rebelle n’est pas un mauvais Pixar mais un mauvais Disney, avec, entre autres réjouissances, potache sans ambition, mignon à tous les coins de rue, passage de la focalisation des adultes aux ados, morale creuse et absurde du genre « follow your heart ». A quelques jolis effets de sub-surface prêts (le corps des toons rendu sensible sous leurs vêtements – vague érotisme), on n’est même pas très au-dessus de Raiponce et très en-dessous de l’excellent Dragons, sorti en 2010 du studio concurrent Dreamworks.

Le dernier Disney, donc, se déroule en Écosse, ou dans une simili-Écosse qui n’est pas vraiment belle – en matière de forêt numérique, le King Kong de Peter Jackson n’est pas prêt d’être égalé – ni vraiment ratée – car les ordinateurs de chez feu Papa Jobs ont beaucoup, beaucoup d’ennui à tuer et beaucoup, beaucoup de processeurs à occuper, que l’on charge alors de poussière, de feuilles, de foules, d’éclaboussures et de poils. Il aurait mieux valu s’occuper de secouer un peu ces horripilants travellings rasant la pelouse qui ne sont pas seulement le propre des films d’animation sans âme mais celui d’œuvres ayant souffert des divorces stylistiques de leurs parents, et des compromis qui s’ensuivirent. On imagine sans trop de peine les raisons qui ont poussé Brenda Chapman, à l’origine du projet, à rendre son tablier en cours de route.

Réalisé par des ordinateurs, Rebelle ne mérite guère plus qu’une critique automatique, qui bifurquerait sans trembler en direction d’un laïus sur la puberté du numérique, expliquant comment le monde édénique, infantile et glabre d’Avatar vire au tout-velu dès lors qu’il est question de passage à l’âge adulte (voir aussi l’Alice de Tim Burton) ; on se dirigerait ensuite avec le naturel d’un morphing vers l’affirmation que la métaphore d’une terre d’indépendance comme décor du film ne sert que de trompe-l’œil à la soumission servile et schizophrène de l’ancienne boîte à chefs-d’œuvre Pixar à l’autre ancienne boîte à chefs-d’œuvre qu’est Disney. A la tête des deux, John Lasseter, l’homme qui murmurait à l’oreille des Macs, sait que ceux-ci ont besoin de cheveux pour s’amuser, comme les petites filles. La synthèse des deux studios se fait ici au niveau des figurines. A la blonde Raiponce succède donc la rousse Merida, dont les boucles incendiaires constituent clairement le principal attrait, promotionnel aussi bien qu’esthétique. Hélas ! Leur hyperréalisme jure avec la texture pouponne des traits de la princesse, toon à mort : on croirait voir Roger Rabbit coiffé d’une vraie perruque.

par Camille Brunel
jeudi 9 août 2012

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