#3

Fast and Furious 6

Au début de Closer, de Mike Nichols, Jane (Natalie Portman) quitte les USA et rejoint Londres pour refaire sa vie. Fast&Furious 6 part du même postulat : Letty (Michelle Rodriguez) a quitté les USA (Vin Diesel&Co) et refait sa vie à Londres (elle est amnésique, mais ça se voit à peine). Pas de chance pour les Jude Law et autres Clive Owen de ce monde-là : Dom Toretto (Vin Diesel) débarque dans la capitale anglaise avec son crew de pilotes décérébrés et de catcheurs, bien décidé à récupérer son ex. Fast&Furious 6, c’est aussi ça, une comédie de la reconquête, où le héros célibataire se fait épauler, comme chez Judd Apatow, d’un côté par son meilleur ami marié et jeune papa, et d’un autre par ses copains, l’un flambeur, l’autre romantique, etc.

Ce « Furious 6 » reste cependant, avant toute chose, une version bouffonne et désinvolte des trois derniers James Bond avec Daniel Craig, tous cités l’un après l’autre, de l’ouverture copiée sur celle de Quantum of Solace au finale sur une piste d’atterrissage, version stéroïdée de celle de Casino Royale. Le réalisateur taïwanais Justin Lin (arrivé sur le 3e opus) applique son plaisir de la destruction à ses propres modèles autant qu’à ses bagnoles. Là où Shyamalan s’auto-décrédibilisait pour atteindre une certaine dimension merveilleuse, lui ne le fait, littéralement, que pour voir jusqu’où il peut aller - et la piste d’atterrissage où se déroule la poursuite finale, longue de 50km (certains, sur internet, ont fait le calcul) dit bien cette volonté de tout étirer jusqu’au grotesque. La saga Fast&Furious n’est pas la seule à y jouer, suivie de près par Stallone et ses Expendables : continuation de cette tendance d’une partie du cinéma d’action à ne plus raconter que la déliquescence, la fatigue. Le blockbuster, ici, ne tient plus au spectacle (pour cela il faudrait s’occuper de cadrer, de monter, ce genre de détails) mais à sa propre boursouflure.

Et puis, cuvée 2013 oblige, l’importation des gros bras californiens dans la capitale anglaise permet de mettre en scène la rencontre de l’émotion et du calme, du far-west et des règles. Il manque à Justin Lin les épaules ou l’envie de le développer, mais la rencontre des cow-boys et des normes de sécurité britanniques ne manque pas d’amuser (caméras de surveillance omniprésentes, armes interdites, dévaluation du dollar par rapport à la livre sterling...). On parlait de cette rencontre de la fougue et du flegme pour After Earth et, en schématisant à peine, on pourrait voir dans ce thème-là un résultat du mélange, plus prononcé que jamais, de l’Amérique et de l’Angleterre - conséquence probable du récent succès monumental des derniers Harry Potter et James Bond. Fast&Furious 6 surfe sur cette vague depuis le 22 mai en France, rejoint le 12 juin par Star Trek Into Darkness – dont le méchant, Khan, est incarné par le très-anglais Benedict Cumberbatch-, et le 17 juin par Man of Steel – Superman produit et incarné par deux anglais, respectivement Chris Nolan et Henry Cavill. Il n’y a pas jusqu’au cinéma « inde », de Sofia Coppola, qui n’intègre la british Emma Watson au casting californien de Bling Ring.

Que ce dernier épisode en date fasse l’économie, lors de l’apparition du titre, de son « Fast » pour ne plus se concentrer que sur « Furious », c’est, dans cette saga ultra-américaine, comme un sursaut identitaire. Les héros américains sont en bout de piste, aussi démesurée fut-elle. Lorsque l’avion russe explose enfin, ce n’est pas tant un attribut de la Russie que de l’Amérique qui part en flammes -l’ancienne nemesis qui forgeait son identité. Plongée en Angleterre, l’équipe de Vin Diesel enchaîne les fiascos. Ce n’est qu’en Espagne, de retour au chaud, dans un pays plus sanguin, que leur fureur reprend, et les affaires avec. La séquence post-générique est d’ailleurs limpide, où apparaît un Jason Statham annonçant un septième et dernier opus de pure chasse à l’homme - plus précisément de chasse aux Américains. Et vous pouvez vérifier : Jason Statham est originaire de Shirebrook. C’est dans le Derbyshire.

par Camille Brunel
jeudi 13 juin 2013

Tous droits reserves
Copyright