Entrevues – Festival du film

Belfort 2013

#2 : Etre vivant d’Emmanuel Gras ; Monsieur Morimoto de Nicola Sornaga ; Latch de Zagros Manouchar.
#3 : Round Trip de Meyar Al-Roumi, France-Syrie ; Chantier A de Tarek Sami, Lucie Dèche, Karim Loualiche, France,Algérie ; Révolution Zendj de Tariq Teguia, Algérie-France-Liban-Qatar.
#4 : Lebanon Emotion de Jung Young-heun ; Dentro d’Emiliano Rocha Minter ; Casse de Nadège Trébal ; Jukebox d’Ilan Klipper.
#5 : rencontre avec Tariq Téguia.

#1

En traversant le brouillard

Juste après l’édition 2012, la mairie de Belfort a bouleversé l’équipe d’EntreVues –nouvelle direction et programmation– équipe qui, en place depuis l’époque où J-P Chevènement était maire de la ville, avait pourtant bien travaillé. Pour l’heure, le festival n’a pas réellement changé de cap par rapport à son héritage. À propos de la bande annonce du festival 2012, nous écrivions ceci : « Et si on allait dormir dehors, partager le sort des déclassés ? L’invitation, pour le moins décalée, est peut-être celle du festival. (...) Une petite virée pour vivre en empathie avec le réel. ». Cela reste encore vrai un an plus tard tant les enquêtes documentaires, au plus proche des frontières entre fiction et recherche personnelle, ont tracé une ligne continue entre l’édition précédente et celle-ci. Mais de Cendres Idrissa Guiro & Mélanie Pavy, à Nous sommes revenus dans l’allée des marronniers de Leslie Lagier, dont l’origine provient d’images qui ne nous concernent pas, il y a des portes qu’on hésite à franchir (la mère morte d’une franco-japonaise pour Cendres, actrice pour Godard dans Vivre sa vie ; des photos de familles d’oncles morts dans le film de Leslie Lagier). Les plus beaux films sont ceux qui agrandissent leur cadre pour se lier avec l’histoire commune ; quand ils dessinent leur propre carte et évacuent rapidement l’emcombrement du « je » pour le relier au collectif ; Que disparaît également l’auto-interrogation entre documentaire et fiction. Un autre cas de figure consiste à s’interroger après, comme ce fut le cas pour Tir d’Alberto Fasulo, où tout y est fictionnalisé –problème qui s’était déjà posé pour East Hastings Pharmacy d’Antoine Bourges, documentaire recrée de toutes pièces par des acteurs (présenté à la fois au Cinéma du Réel et à EntreVues en 2012). Une chose est sûre : les films sont souvent moins bons quand ils n’ont pas su faire en sorte que les questions sur sa généalogie ou son degré d’intimité ne se posent pas.

La ville de Belfort et le festival EntreVues sont des endroits accueillants, paisibles. Sans prescription, en y passant distraitement, ils pourraient nous être totalement indifférents. A cette période de l’année, nous sommes conviés à traverser le brouillard -celui du cinéma de John Carpenter et son beau programme “double feature”, où chacun de ses films, de Dark Star, 1974 à Ghosts Of Mars 2001, était associé à une autre oeuvre choisie par Carpenter lui-même. Idée à garder pour soi plus tard, en se remémorant que le franc tireur américain a longtemps incarné la synthèse idéale d’un cinéma naviguant autour du système et à sa marge, du sérieux western à la série B bon marché. Une carrière peu enviable commercialement mais moralement héroïque, celle d’un maverick comme on les aime.

#2

Trois fois désynchro

Etre vivant d’Emmanuel Gras
Monsieur Morimoto de Nicola Sornaga
Latch de Zagros Manouchar

Latch de Zagros Manouchar est déspérant, tant il semble avoir été tourné il y a 20 ou 30 ans. Il dresse en près de deux heures le portrait d’un adolescent bégayeur. Descolarisé par son père, qui s’entête à penser que le problème de l’enfant est un caprice et qu’il peut l’aider et résoudre les problèmes de maths en même temps que surmonter son handicap. Cloitré dans la maison, Henri n’a qu’un monde extérieur possible, celui des chevaux. On n’aurait pas tenu rigueur au film s’il avait développé l’attrait du dressage equestre. Au lieu de ça, il met une heure et demi à conclure qu’Henri a besoin d’un psy. L’ensemble ne dit rien sur la maladie, rien sur l’adolescence, rien sur la Finlande ou le monde d’aujourd’hui. En fait, Il ne dit rien et confond simplement bégaiement et autisme.

Dans Monsieur Morimoto, Nicola Sornaga se plait à visiter un Paris à l’imaginaire poétique vieillot. Paris de bohème, du théatre de guignol, des idéalistes sans le sou. Un fantasme de la capitale qui invoque aussi l’esprit ancien de la Nouvelle Vague. Les clochards y sont forcément célestes, les artistes, pauvres et fous, mais généreux. En légère désynchro, le jeu des acteurs introduit un élément de distance pas idiot et évite un trop grand sérieux à ses personnages. La bonhomie de Morimoto nous fait oublier qu’il reste un gentil squatteur. Le portrait de l’artiste lunatique vivant mal de son art ne manque pas de charme, encore plus si on se plaît à oublier cinq minutes la déprime des crises version 2013.

C’est sans doute pour être synchrone avec cette France-là qu’Emmanuel Gras a réalisé Etre vivant. Le film fascine d’un strict point de vue formel : une steady cam filmant à reculons des rues et boulevards de la capitale ; lieux enregistrés de manière clinique, leur ôtant tout mystère et toute singularité. Un lourd texte vient bouleverser cette neutralité. Il est tiré d’un blogueur-SDF anonyme, qui a tenu un journal pour raconter son quotidien. Lu par une voix caverneuse, sa une gravité moralisatrice, comme son vouvoiement pointant le spectateur, donne envie de fuir.

Qu’un film veuille être en phase avec l’actualité, soit. Mais pas qu’un texte assène aussi lourdement son propos sur une réalité décrite comme insupportable. L’an dernier, le court métrage Florería y Edecanes avait choisi l’alternance, en misant sur l’indépendance de l’image et de l’écrit. Ses cartons purement informatifs rendaient aux images leur pouvoir autonome. Le film faisait un état des lieux de la frontière mexico-étasunienne par les grands espaces, les rues vides, les carrefours menant à d’autres carrefours. Séparer de manière nette les deux éléments de discours témoignait d’un souci d’honnêteté, de transparence. J’ignore si les images seules tournés par Emmanuel Gras auraient suffi à comprendre quelque chose à Etre Vivant, mais cela valait peut-être le coup de leur faire confiance.

#3

Ici, ailleurs

Round Trip de Meyar Al-Roumi, France-Syrie, 1h24
Chantier A de Tarek Sami, Lucie Dèche, Karim Loualiche, France,Algérie, 1h44
Révolution Zendj de Tariq Teguia, Algérie-France-Liban-Qatar, 2h17

A défaut d’informations et d’images sur l’état de la Syrie, la moindre des choses est d’accueillir Round Trip de Meyar Al-Roumi avec intérêt. Tourné avant le conflit, il n’esquive pas l’image de la guerre par amnésie. Round Trip réunit un couple en exil temporaire à Téhéran pour vivre leur histoire à l’abri des regards accusateurs de leurs parents et de la morale désapprouvant leur union charnelle. Le voyage en Iran, en passant par la Turquie, n’est pas vraiment une réflexion sur le couple : c’est le simple aller-retour de deux amants qui se cachent pour consommer leur amour. Au début du trajet, les inserts vers l’extérieur du wagon intriguent parce qu’ils donnent l’impression de saisir un danger à venir. Lorsque le train quitte Téhéran, on aperçoit au loin un décor ce qui ressemble à des centrales et des usines. La menace plane constamment sur Round Trip, sans jamais devenir réelle. Le regard Meyar Al-Roumi n’en ne fait que passer, reste toujours positif et en surface, et le décalage entre le voyage heureux et l’inquiétude sous-jacente donne au récit un caractère étrange, en attente constante.

Chantier A raconte le retour de Karim en Algérie où il n’est pas revenu depuis 10 ans. Karim Laouliche, caméra à la main, interprète un cinéaste venu pour filmer l’Algérie. Il est mis en scène à l’aide de deux autres co-réalisateurs, Lucie Dèche, également ingénieur du son, et Tarek Sami, chef opérateur. Le retour au pays devient rapidement une quête personnelle, en même temps qu’un grand portrait de l’Algérie dans son ensemble - comme si le film essayait de la prendre dans ses bras, de l’embrasser, littéralement. La première étape est le classique passage dans la famille, avec une scène de comédie entre le petit fils et sa grand mère qui lui dit qu’il n’exerce pas un « vrai » travail manuel (« tu filmes et tu restes assis ! »). Chantier A a le sens du voyage, de l’épopée, et s’arrête à des endroits rarement vus, avec une longue halte auprès des touaregs. Il serait catalogue s’il ne prenait pas son temps avec les gens qu’il filme pour tisser des liens réels avec eux. L’ensemble n’est pas sans défauts, ni artifices, comme ces travellings en studio, passant de foyer en foyer sans cloisons murales, sorte de tableaux du quotidien des algériens. Le mélange d’images formalistes et de sécheresse documentaire rompent l’unité du projet. Il subsiste pourtant une double volonté de transmission, d’abord commee une trace du voyage, et par le cinéma, comme lorsque les réalisateurs filment la projetction Eloge de l’amour dans un festival de cinéma. La réplique de Bruno Putzulu “un adulte, ça n’existe pas” fait résonner le voyage du personnage principal d’une toute autre manière.

C’est une autre Algérie dont parle Tariq Teguia dans Révolution Zendj. Un journaliste nommé Ibn Battûta rencontre des jeunes en insurrection dans le sud du pays. Ceux-ci lui évoquent les « Zendj », une révolte d’esclaves noirs contre le califat Abasside en Irak au 9ème siècle. Il décide alors de partir sur leur trace jusqu’à Beyrouth, puis en Irak. Le prétexte de cette enquête lui fait rencontrer une jeune grecquo-palestinienne, partie de Thessalonique pour revoir Beyrouth, carrefour des luttes au Moyen-Orient. L’occasion de faire le point sur l’identité arabe en général, l’identité palestienienne en particulier, sur la situation de ses camarades de lutte. Le cinéaste algérien aujourd’hui installé en Grêce élargit le cadre désertique d’Inland. Il convoque dans ce tableau mondialisé des révoltes la présence de l’Amérique, celle qui redessine les cartes dans le désert, qui négocie contrats et exploitations. Une réunion qui prend la forme d’une confrontation directe et esthétique, notamment dans ce plan superbe où, depuis la fenêtre de leur appartement, les révolutionnaires dansent sur un morceau du MC5, tandis que dans l’immeuble d’en face les conservateurs américains règlent un échange d’argent et d’affaires. L’opposition est peut-être schématique, mais ce n’est qu’un cadre, en même temps que le point culminant de l’histoire : le vol de l’argent contenu dans la valise par une acrobatie réalisée par Battûta servira à ce dernier à aller en Irak pour terminer son enquête. La scène n’est pas donc seulement une idée, c’est un ensemble politique, esthétique et narratif, comme une manière de résoudre un problème posé (que font les américains au Moyen orient, que font les révolutionnaires au Liban ?). Révolution Zendj n’est ainsi jamais confortable, il multiplie les formes et les textures, parfois à l’intérieur d’une même scène, d’un plan à l’autre. Une révolte n’est pas figée dans le temps, ni dans la représentation. Enquêter sur une rebellion historique est une manière pour Tariq Teguia de relier les légendes les plus anciennes aux crises actuelles. Le nom du journaliste (Ibn Battûta) est ainsi à jamais associé au personnage historique, voyageur et explorateur du monde arabe, qu’il a parcouru à travers 12 000 kilomètres. Au terme du périple du nouveau Battûta, se dresse devant lui un rebelle irakien au milieu d’un désert. “Nous sommes ici” lui dit-il : de la Grèce, où Marx n’a plus de secret pour les jeunes grecs, à l’Algérie, seul compte la question du territoire, le dernier endroit de lutte quand bien même il n’y a plus rien à défendre. Quelle image le cinéma peut-il offrit après le désert, celui o`ù disparaît Malek à fin d’Inland et réapparaît Battûta au début de Révolution Zendj ? Révolution Zendj propose davantage la épossibilté d’un film qu’un discours filmé, le tout avec peu de moyens mais beaucoup d’idées - ce que disait Godard à propos de Numéro deux “Il ne s’agit pas tellement de faire un film plutôt qu’un autre, mais de faire les films possibles là où on est”.

#4

Rien ne se perd

Lebanon Emotion de Jung Young-heun
Dentro d’Emiliano Rocha Minter
Casse de Nadège Trébal
Jukebox d’Ilan Klipper

Chevilles et jambes brisées, tibias coincés dans des pièges à loups, traque dans la neige et torture constituent le programme de Lebanon Emotion du sud-coréeen Jung Young-heun. La tendresse et l’obstination déployé par héros en deuil pour sauver d’une jeune inconnue traquée par son proxénète suffit à peine à donner un peu de relief à un ensemble désagréable. Pareille volonté de se faire mal se retrouve dans l’incompréhensible Dentro d’Emiliano Rocha Minter. A la recherche ostensible d’un grain de pellicule à l’extrême, d’une volonté de dégradation de l’image, le court met en scène les préparatifs de deux jeunes hommes mutiques construisant un piège dans une forêt -dans le but de se suicider, c’est balot. Deux films qui dépensent beaucoup d’énergie pour pas grand chose.

Casse est bien et simple. Nadège Trébal a choisi un lieu périphérique, une casse de voiture. La plupart se situent à la sortie de la ville, en banlieue parisienne notamment. Le film adopte lui-même un principe “périphérique”, en choisissant ses portraits parmi ceux qui les récupèrent les pièces. Périphérique aussii parce qu’il profite de ce cadre pour décrire une France construite et recomposée par l’immigration. En laissant durer les conversations, la cinéaste mise aussi sur un plaisir renouvellé à écouter des personnes parler et raconter leur histoire. Deux burkinabés comparent longuement leurs parcours d’immigrés et leur approche de l’intégration, entre deux démontages de pièces. A d’autres moments, un homme se tourne vers la caméra pour raconter la sienne, sans attendre une demande de l’interlocuteur. L’absence de discours et de simplification est ici une arme documentaire, une parade à la démagogie nationale vue à la télévision.

Jukebox, fiction d’Ilan Klipper -co-auteur de Commissariat avec Virgil Vernier, mais également de Saint Anne, hôpital psychiatrique- creuse le thème de l’enfermement et de la folie. Daniel (Daniel Bevilacqua, vrai nom du célèbre chanteur Christophe) vit seul chez lui au milieu d’un désordre sans nom. Les disques et les affaires personnelles sont entassés dans le salon, au milieu d’instruments, de vieilleries et autres détritus. Il refuse l’aide de sa fille, encore moins de celle du médecin (Sabrina Seyvecou & Maryline Canto, excellentes). La folie devient un acte créatif, lorsque le babil incompréhensible murmuré et répété par Daniel se transforme peu à peu, dans un plan sans coupe, en début de composition, puis de chanson. Le personnage de Daniel est aussi un moyen pour Ilan Klipper de filmer un fascinant chanteur. Depuis 40 ans, le vrai Christophe mêle les sons électronique les plus avant gardistes, travaille sur la modulation de sa voix en sonorité, sur des paroles simples et émouvantes ; un grand écart qui joint par les deux bouts l’art et la variété populaire. Lorsque Daniel compose ses sons et interpréter ses bouts de créations, le documentaire marche côte à côte avec la fiction, sans que cela ne devienne un parasiter le regard. Comme pour Casse, c’est la simplicité de l’idée et son exécution souveraine qui en soutiennent tout l’attrait.

#5

« Je suis là pour la forme »

Rencontre avec Tariq Téguia

(...)J’irai à Tombouctou
Je m’assoirai possédé sous le portique d’argile
Je boirai l’eau des anges dans une calebasse
et je dirai : Peut-être viendras-tu ?(...)

Saadi Youssef, A propos de ce lézard, à propos de cette nuit

A. Révolutions

Mon film a été tourné avant les “révolutions arabes”. A travers une révolte très ancienne comme celle des Zendj en Irak, au 9ème siècle, j’ai essaye de comprendre comment et en quoi toutes les révolutions passées interrogent sur les évènements qui secouent actuellement le monde arabe, mais aussi jusqu’aux pays de la Méditérranée. Le film fait un détour par la Grèce, où je suis aujourd’hui installé, qui est le point de départ de la jeune grécquo-palestinienne interprétée par Diyanna Sabri. Elle souhaite retourner à Beyrouth pour voir où en est la résistance de ses compatriotes. Dans le même temps, un journaliste algérien entame son voyage qui va le mener au Sud de l’Irak. Les deux vont finir par se rencontrer parce qu’ils ont des combats communs, les mêmes intérêts culturels et politiques.
Il y a un imaginaire ancien et récurrent de la révolution. C’est aussi comme cela que j’utilise l’extrait d’Ici et ailleurs de Godard (1976), qui est un retour sur des images, que je mêle avec une conversation sur l’état de l’Algérie et du Liban, une manière de revenir sur l’origine des révolutions. Tous ces éléments anciens et moins anciens se confrontent à une réfléxion actuelle sur le monde arabe et méditérannéen, de Beyrouth à la Alger, en passant par Grêce. En espérant qu’il y ait quelque chose après la fin de l’histoire, des alternatives possibles. Je renvoie également la question récurrente qui concerne des révolutions arabes : on me demande souvent « où en est le monde arabe et ses révolutions ? ». Je retourne alors la question : « et, vous, en Europe, où en êtes vous, avec la révolution ? »

B. Un film est d’abord une forme

Révolution Zendj sera montré en Algérie, où on me laisse une certaine liberté pour tourner. Les autorités sont indifférentes au résultat de mes films. Le décalage vient de l’endroit où on se place : en Algérie, je peux être accusé de faire des films pour les occidentaux, trop théoriques, et en Occident, on peut me reprocher à l’inverse de satisfaire une morbidité sur les fantômes et démons de l’Algérie. Sachez qu’Inland a beaucoup plu lors d’un passage en Corée du Sud, donc le problème culturel est un faux prétexte. Un spectateur, ici lors du débat, m’a accusé d’esthétiser, sans que je me soucie de raconter une histoire ou créer un propos homogène. Le manque de romanesque est une lacune indépassable chez certains spectateurs. La grande difficulté est d’établir un discours. Je ne pense pas d’abord à produire du sens à tout prix, mais je pars à la recherche de quelque chose, à partir d’élements divers qu’ils soient historiques, politiques ou venant d’ailleurs, puis je fais un film avec ce qu’il reste. C’est un tableau en mouvement, pas une thèse. Je suis là pour la forme, pour les formes.

C. Amériques et détours

C’est la première fois que j’élargis mon récit ailleurs qu’en Algérie, notamment avec des acteurs américains. On peut trouver ces personnages d’envahisseurs ridicules, mais ce sont des caractères bouffons, de comédie. Tout ce qu’ils disent, ce sont choses que des néos-cons(servateurs) pourraient dire et faire ! Ces d’hommes d’affaires imaginant au milieu d’un désert des commerces et des installations nouvelles, c’est l’Amérique qui partage et distribue les cartes. C’est une tout autre Amérique que celle que j’aime, en tout cas pas celle du poète Walt Whitman, dont on entend un texte joué par les étudiants grecs, ou celle de Kerouac et Robert Kramer. Si j’inclus ces références, ce n’est pas pour faire joli. Elles m’aident à construire un film. Le poème lu par l’homme près du fleuve à la fin, par exemple, est l’oeuvre de Saadi Youssef. C’est un irakien et opposant communiste du régime, un anti-impérialiste. Il a vécu un peu partout dans le monde arabe. Le journaliste touche au but et arrive à l’endroit où se rencontrent le Tigre et l’Euphrate, au delta de Chatt-el-Arab, au sud de l’Irak dans le Golfe persique. Il est prononcé à un moment important du film. Il raconte l’attente d’un homme qui parcourt plusieurs pays et attend femme, et celà rejoint l’idée spectres qui peuvent réapparaitre, mais aussi une quête à travers le Moyen Orient, qui résonne avec celle d’Ibn Battûta.

3. Organisation

Tout peut m’être utile lorsque je prépare un film, alors je visite des endroits et rencontre des gens. Je me suis promené un peu partout à Thessalonique, et je me suis servi de certaines choses qu’on voit dans Révolution Zendj. L’ambiance insurrectionnelle a nourri le récit. Le tournage d’un film pareil, produit par moi et mon frère, est compliqué. J’ai mis trois ans à faire Révolution Zendj en ayant eu des problèmes de production. Il faudra trouver un distributeur pour le montrer, et il évident qu’il faut faire un travail d’accompagnement, mais je suis en attente d’échange, comme celui que j’ai eu hier. A chaque fois, je sens de la curiosité.
Je ne sais pas ce que je vais faire ensuite, très honnêtement. Tout est possible, y compris tourner un film sur le sol américain.

(Propos recueillis à Belfort le 03 décembre 2013)

par Thomas Fioretti
lundi 23 décembre 2013

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