Independencia se tient devant l’adversité. Voici sa bande-annonce. Le peuple se réunit gaiement quand au loin des coups de feu éclatent. Le groupe se disperse. Une mère et son fils font leurs bagages et fuient vers les montagnes. Les Américains vont arriver. En fait, Hollywood est déjà là. Partout. Le film est américain. Exotique. Impérialiste tendance américano-japonaise – la forêt est celle d’Anatahan de Sternberg, la météo celle du Grondement de la Montagne de Naruse. La patine et les tremblements de l’image sont ceux des archives américaines de l’occupation des Philippines. Il n’en est pas fait mystère, une fausse archive scinde le film en deux et sert d’ellipse pour enjamber une bonne décennie. Cette séquence introduit un personnage d’enfant. Il est ici fusillé par un soldat américain pour avoir chapardé un fruit au marché. Mais dans la fiction de la résistance philippine, il est toujours plus que vivant. Il a vu le visage des américains, la lumière aveuglante du soleil qu’ils reflètent et le feu que leurs canons projettent. Alors le cadre se dérègle et l’image prend des couleurs nationalistes, indépendantistes, mais aussi enfantines et expérimentales : le garçon sera cinéaste. Pour l’heure il découvre Stan Brakhage, le cinéma fait main, une autre Amérique – mais il se suicide aussi, il meurt aujourd’hui et renaîtra demain.

Dans le film précédent de cette série de films sur les luttes d’indépendance aux Philippines, A Short Film About the Indio Nacional, un indio était aussi rêvé, une figure de l’indépendance encore muette. Independencia est le moment de la modernité, et cette modernité est celle du flicker, du cinéma expérimental, de la bédé, de l’enfance, de Moonfleet, des contes pour enfants, des bêtes exotiques, de la parodie, de la fable, du dessin... On peut aisément voir en quoi le film a influencé notre site.
Nous dédions cette série de textes et d’images à Alexis Tioseco, dont seront ici reproduites, avec la permission de Raya Martin, quelques photographies de tournage d’Independencia.