Cannes 2009 #5

Kinatay  de Brillante Mendoza

L’un ou l’autre

Compétition officielle

Accueil glacial, il y a deux secondes, pour la première présentation presse du dernier film achevé du prolixe Brillante Mendoza, fierté philippine des sélectionneurs officiels.
Ecrire sur Mendoza sous une bannière empruntée à Raya Martin nécessite au moins un avertissement : les deux ne s’aiment pas. Du moins l’année dernière (le premier présentait Serbis en officielle, le second Now Showing à la Quinzaine), et par journaliste interposé. Mais il ne s’agit pas d’une querelle d’hommes. Les deux font un cinéma radicalement différent. Et radical, chacun à leur manière. Brillante Mendoza avec des films courts et abrupts, des chocs-du-festival comme on l’entend souvent ici, tous tournés de la même manière, sur le vif, en caméra embarquée dans les baskets d’un personnage. Raya Martin, dans des films possiblement fleuves (4h30 l’année dernière) aux parti-pris au moins en partie conceptuels, très attentif à la plastique des images. Des deux, le plus friand d’effets est pourtant sans aucun doute le premier, et ce malgré la manière hyperréaliste qu’il reconduit dans chaque film. Kinatay, sombre histoire d’un châtiment mafieux, est faussement lumineux dans son premier quart d’heure : une jeune recrue de police se marie, suit les cours, encaisse les blagues, etc. La suite est une descente aux enfers - tabassage en voiture, découpage d’un corps - qui rend le jeune coupable de non-assistance. La fin : brutale, évidemment, d’autant plus sans espoir qu’elle remet le cauchemar dans des problématiques de vie (fermer les yeux devant une boucherie pour continuer à nourrir sa famille ?). Ceux qui voudront prêter l’oreille entendront que tout est vicié quand la police est à ce point corrompue, et verront dans le bonheur initial un pur et simple mensonge. C’est, en bref, une histoire typiquement hollywoodienne traité sur un mode tiers-mondiste. Un film au décor très local mais aux manières complètement world. L’exact opposé de la radicalité de Raya Martin qui emprunte délibérément une esthétique hollywoodienne de film muet ou de bande d’actualité pour rendre les Philippines à un cinéma qui leur est propre (et celui-ci est grand : Ishmael Bernal, Lino Brocka, Mike de Leon...).
Serbis, le précédent Mendoza à Cannes en 2008, avait été très aimé, loué pour des audaces comme le volume poussé de sa bande-son ou l’arlésienne cannoise de la fellation live, sans qu’on puisse attribuer cette fortune critique à autre chose qu’à l’excitation d’accueillir sur les tapis rouges cannois un film un peu punk. Il n’y a aucune raison de traiter autrement Kinatay - mais si vient, demain, le retour de bâton, cela n’aura rien à voir avec la qualité du film, mais avec le dégonflage de cette excitation.

par Eugenio Renzi, Antoine Thirion
samedi 16 mai 2009

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