Edito #07

27 janvier 2010

Cette semaine, il y a un choix à faire. Soit poursuivre l’actualité ; bien délimitée entre une poignée de films français au carré (Le Refuge de François Bozon, Le Baltringue avec Vincent Lagaf, Océan, le nouveau grand spectacle animalier de Jacques Perrin), la traditionnelle actualité américaine (Up in the air de Jason Reitman avec Clooney et Vera Farmiga, qu’on ira voir, au contraire de La Princesse et la Grenouille) et le coréen Mother (mais Bong Joon-ho, après l’excellent Memories of Murder et un Host impressionnant, nous fatigue un peu, cet après-midi).

Et puis il y a, évidemment, Ne Change Rien de Pedro Costa, dont nous avons déjà largement commencé à parler. Il faudra le revoir, en même temps qu’on mène le travail en cours ici, après un premier sentiment de déception exprimé lapidairement à Cannes en 2009. Enfin il y a, surtout, The Rebirth. Un film connu jusqu’ici sous le nom de Ai no yokan (Pressentiment d’amour), grâce à son passage au festival de Locarno où il avait obtenu des mains de Jia Zhang-ke le Léopard d’Or du festival... en 2007.

Deux ans passés en ce qui nous concerne à faire mention de ce film en espérant l’audace d’un distributeur qui a fini par se présenter : c’est Tamasa Distribution. Le film de Masahiro Kobayashi (Bashing, cette histoire de jeune japonaise secourue penaude d’une mission humanitaire en Irak et mise au ban de la société) est une nouvelle histoire de honte. La fille d’un homme, Junichi, tue celle d’une femme, Niriko.

Par coïncidence, tous deux meurtris s’exilent dans la même auberge d’un village lugubre du nord est du Japon, vivent à une cloison d’écart sans pourtant jamais se rencontrer. L’histoire s’arrête avec leur face-à-face. Mais le trajet prend du temps. Ravaler sa honte n’est pas facile. Assumer une faute l’est encore moins lorsqu’elle est celle d’un autre. C’est un processus violent, pour le spectateur aussi. Avec une rigueur un poil autrichienne, Kobayashi répète tout au long du film les mêmes images douloureuses. Des images de solitude, d’un homme (Kobayashi l’incarne) condamné à expier, à vivre spartiatement en dégustant le même petit déjeuner chaque jour à la même place, en éteignant la télé à la même heure, en effectuant à l’usine les mêmes gestes. 1h42 et cinq images à tout casser.

Independencia aime-t-elle les épreuves ? Après Ruhr et son plan long d’une heure, The Rebirth. Il y a des questions à se poser dont l’affirmation d’une radicalité ne fait pas partie. Il s’agit plutôt de savoir si les films passent encore des pactes avec nous. Là où il y a de la rencontre. Des films qui se donnent une chose à faire et qui s’y tiennent. Des films qui rencontrent vos résistances, les dépassent, et amènent à un nouveau degré de conscience. Des films qui se digèrent lentement, comme l’oeuf que Junichi casse tous les matins sur son bol de riz, et qui ne cherchent jamais à vous retenir, car le choix de rester est en soi une affirmation plus précieuse, courageuse et profitable.

par Rédaction
mercredi 27 janvier 2010

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