Dans la catégorie : « ma petite entreprise illicite », très fournie ces temps-ci (Weeds, Breaking Bad, Bored to Death), Hung occupe un créneau porteur, puisqu’une variante lycéenne passe déjà sur une de nos chaînes. Je parle du capital-bite.
Prof de gym menacé de licenciement, divorcé moyennement malin installé sous la tente à côté d’une maison incendiée qu’il n’a pas de quoi réparer, l’antihéros découvre, lors d’un cours de motivation donné par un escroc, que l’outil de sa rédemption pend entre ses jambes. Ce dont la nature l’a pourvu ne demande qu’à être monnayé. Mais du reste il est dépourvu, notamment de sens des affaires. Il confie donc les siennes à une amie guère plus vaillante – elle écrit de la poésie, c’est dire.
Sur cette base intrigante, la série empile les situations loufoques, les répliques équivoques et les contrepieds. L’inversion des rôles classiques – un homme-objet, une et bientôt une seconde proxénètes, des michetonnes chic et mûres – donne lieu à de bonnes scènes où les attributs virils révèlent un à un leur revers de misère. Brusque et naïf, l’apprenti pute n’a pas accès à la complexité du désir féminin, laquelle ne décroît pas avec les années. Ce qui semblait une martingale s’avère, du coup, fort peu rentable.
Les trois personnages centraux ont du charme. Le désarroi de l’athlète au moment des préliminaires le rend vite sympathique. De la poétesse néo-hippie – regard anxieux et garde-robe désolante – on dirait qu’elle vient de se faire écraser par sa mère. Sa rivale, échappée de Mad Men, fait un superbe numéro de clown méchante. Même les enfants revêches de l’inévitable famille-à-recomposer ci-dessus ont du chien. Il n’y a que l’ex-épouse ci-couchée, dans sa psychorigidité, qui soit insupportable (c’est Anne Heche, la doublure limée de Janet Leigh dans le décalque de Psychose par Gus Van Sant).
On se fait à tout, hélas, et au bout d’une saison le pitch a trop perdu de son piquant. L’ironie de la situation doit passer ailleurs, dans les métamorphoses que le temps long d’une série accrédite. C’est délicat. Le triangle qui tient l’ensemble ne basculera pas, mais les personnages d’enfants grandissent vite avec les acteurs – toujours une aubaine pour les scénaristes. Surtout, l’ex-aspérante, qui adopte un chien moribond pour mieux s’apitoyer, craque et tombe le masque (un peu comme dans Breaking Bad). Ça redevient intéressant.
Pour combien de temps ? Peu, je le crains, car la tension repose ici sur autre chose que du muscle. Mais c’est la loi flexible des séries. On sait qu’une saison nouvelle peut venir ; on sait qu’elle ne sera qu’un sursis.