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The Avengers  de Joss Whedon

Houba houba

3.3

Attention, mystification : The Avengers est un court-métrage. Le film annoncé, où super-héros et super-espions s’unissent contre un dieu de la mythologie scandinave lui-même allié à des extra-terrestres, ce film-là dure trente minutes et se trouve précédé d’un interminable prologue sur un porte-avion volant (sic). « Je commence lentement », confesse au début de ces trente minutes Tony Stark, alias Robert Downey Jr – qui monopolise toutes les bonnes répliques, sorte de joyeux drille s’évertuant à mettre un peu d’ambiance dans ce qu’il considère comme une fête. « Hey guys, I’m bringing the party to you » (« hé, les gars, j’apporte la fête »), l’une des catchlines principales de la bande-annonce, prend son sens lorsque l’on découvre la réplique qui suit, dans la bouche du personnage incarné par Scarlett Johansson : « je ne vois absolument pas pourquoi il appelle ça une fête ». C’est que le public aurait compris trop tôt, c’est-à-dire avant d’avoir payé sa place, qu’Avengers est en majeure partie constitué d’un conciliabule de rabat-joie et de grincheux en espace clos.

La stratégie des studios Marvel, mise en place depuis le Hulk de Louis Leterrier en 2008, commence à sévèrement lasser. C’est toujours le même triomphe de la laideur : si le méchant finit systématiquement défait, ce n’est jamais sans avoir révélé sa véritable apparence, version déformée, grotesque et boursouflée, du héros. Sous prétexte que les dessinateurs de comics n’ont pas d’identité visuelle propre (à deux ou trois exceptions près), il faudrait accepter que tous les films Marvel partagent la même absence totale de style. Les grands noms, tant à la réalisation qu’au casting (en vrac : Kenneth Brannagh, Joe Johnston, Robert Downey Jr, Mark Ruffalo, Samuel Jackson, Scarlett Johansson, Gwyneth Paltrow, Stellan Skarsgaad – Jerzy Skolimowski !) ne sont convoqués que pour leur seul potentiel publicitaire. Avengers en vient à tartiner de Schubert une scène d’action médiocre qui ne peut se targuer d’aucune autre forme d’inventivité. Se hisser sur les épaules de génies et récolter les dollars, voilà l’irritant objectif du studio.

Le temps de la mise en question du super-héroïsme, dont le personnage de Tony Stark est un reliquat, est passé : Avengers ne sert littéralement qu’à détruire, clone taré d’un autre blockbuster de ce début de saison, Battleship, de Peter Berg – adaptation de la bataille navale, un pitch pas beaucoup moins rachitique que celui qui consiste à vouloir réunir dans un même plan séquence les figurines emblématiques de ce qui se vend le mieux de nos jours. D’un film à l’autre, ce sont les mêmes destructions d’immeubles, les mêmes cuirassés gigantesques, les mêmes extra-terrestres barbus (sic, encore), le même désintérêt pour l’histoire au profit de plans s’attardant longuement sur les éléments métalliques de synthèse en explosion – moins le plaisir puéril qui irriguait leur modèle à tous les deux, Transformers 3, carton de la saison 2011. Nulle gourmandise, seulement de la gloutonnerie. La 3D achève d’enlaidir l’ensemble.

Cynisme du studio, convaincu du fait qu’un film de super-héros peut être aussi nul qu’il veut pendant une heure et demie puisque seule la fin compte, que c’est elle qui fera fleurir ces critiques hyperboliques postées à chaud, le générique à peine fini, sur les réseaux sociaux. En guise de garde-fou règne le même humour formaté et prudent que dans l’infâme Marsupilami, blockbuster français de service – encore que Jamel ait beaucoup plus perdu de son allant que Downey Jr. face aux impératifs commerciaux. Cela marche une fois ou deux, quand on verse dans l’outrance référentielle (l’archer du film est surnommé Legolas, clin d’œil à celui du Seigneur des Anneaux) ou cartoonesque (Hulk éclate sur le carrelage un ennemi comme Obélix maltraite les Romains). Le 11-Septembre lui-même n’est plus qu’un gimmick – en guise d’excuse, une jeune femme remercie finalement, face aux caméras de la télé, Captain America qui l’a sauvée : dans son dos se tiennent deux pompiers, qui bavardent. On en vient à se dire qu’après tout, si l’effondrement du World Trade Center ne fut pas mis en scène dans les années qui suivirent l’attentat, ce n’est pas parce que le souvenir était encore brûlant, mais parce qu’on n’avait pas encore les logiciels pour. Dernières années où le cinéma faisait preuve d’une vraie déférence pour ces mascottes de la pop-culture que sont les superhéros, employés comme métaphores et pas seulement morceaux de plastique tout juste bons à casser des immeubles. Sur le déclin depuis 2008 – année des premiers Marvel, Iron Man et Hulk, et de The Dark Knight – cette période risque de prendre fin cet été, avec The Dark Knight Rises, dernier volet de l’excellente trilogie de Christopher Nolan consacrée à Batman, l’homme en noir grâce auquel, en 1989, s’était ouverte l’ère des comics changés en grands films.

par Camille Brunel
dimanche 29 avril 2012

Titre : The Avengers
Auteur : Joss Whedon
Nation : États-Unis
Annee : 2012

Avec : Robert Downey Jr. (Tony Stark / Iron Man) ; Chris Evan (Steve Rogers / Captain America) ; Mark Ruffalo (Bruce Banner / Hulk) ; Chris Hemsworth (Thor) ; Scarlett Johansson (Natasha Romanoff / Black Widow) ; Jeremy Renner (Barton / Hawkeye) ; Tom Hiddleston (Loki) ; Stellan Skarsgard (Dr. Erik Selvig).

Durée : 2h22min.

Sortie : 25 avril 2012.

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