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Edito #11

Amour ou porno ?

C’est l’une des questions que se pose le mois d’octobre, sans avoir spécialement envie d’y répondre, sans avoir envie de prendre parti. Le porno plaît. L’amour aussi. Pour le porno, ce n’est pas vraiment une nouvelle et ce n’est pas très étonnant. C’est même une vieille tendance, puisqu’elle date de la longue conversion au libéralisme entamée dans les années 80 – conversion déroulée à l’abri du combat libertaire. Or, les années 80, ça aussi c’est en octobre, reviennent. Et avec elles, le drapeau de l’audace artistique et de la sexualité débridée ; drapeau éminemment sympathique et absolument inoffensif pour l’ordre social existant (comme le montre l’affaire des Pussy Riot), mais qui invite la presse culturelle à s’asseoir à la table du débat politique. C’est beau. Mais ce n’est pas sans maladresse. Celle, par exemple, de s’exciter au nom de la créativité et de la puissance sur des personnages objectivement réactionnaires, profondément autoritaires comme HPG. Éloge paradoxal de la finesse du bourrin qui semble, au-delà du cinéma, dominer l’air de l’automne.

Côté Amour, on ne se débrouille pas mieux. Cahiers à part – il faut bien l’admettre – personne ne prend vraiment au sérieux Haneke. Personne, dans les grands médias et revues qui parlent de cinéma, ne semble touché par le fond autoritaire et pornographique que son cinéma entretient dans le plus grand calme. Ou alors, c’est bien cette autorité et cette pornographie qui stimulent, d’une manière plus ou moins consciente, le consensus.
Pareil pour Herzog. Et, cette fois-ci sans exception : aucune critique véritable, aucune attention pour les images, la mise en scène, la matière du film et son exposition n’accompagnent la sortie d’Into the Abyss. L’impression au contraire d’une conformité paresseuse à la thèse du grand maître au travail – dégradation perverse de la politique des auteurs en politique du cinéma d’auteur.

par Eugenio Renzi
dimanche 28 octobre 2012

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