Film de clôture du festival, UBD fonctionne comme une fable de La Fontaine : un gosse de riche décide de se détacher de tout ce dont l’avait doté sa naissance, et de vivre avec ses revenus d’instit remplaçant. Il rencontre ainsi le personnage de Louise Bourgoin, la gouailleuse, la plébéienne, empêtrée dans des problèmes d’argent et de mafia qui l’obligent, un beau dimanche, à revenir sonner à la porte du château de sa mère.
Inutile de préciser que le film se situe encore de plein pied dans le débat du politique et de l’intime, et des choix que l’on fait au nom de sa place dans le prisme de la droite et de la gauche. Garcia prend des risques, et son portrait du choc des classes me semble plus juste que les deux principaux autres de l’année passée, La Vie d’Adèle et Blue Jasmine. Contrairement à Kechiche, Garcia ne se cache pas derrière un hyperréalisme social, pas plus qu’elle ne donne l’impression de se vouloir indulgent avec tout le monde. Cette façon de ne pas craindre de montrer les gens pour ce qu’ils sont, ici les riches enfermés dans leur mépris de classe, sans craindre de se retrouver obligé de les juger, fait directement écho à Class Enemy. Comme Allen, sa connaissance des névroses côté riches est ainsi particulièrement précise, tandis que sa façon de parler des moins riches n’a rien du film misérabiliste. Louise Bourgoin, pour la première fois, cesse de jouer à la star Canal+ dépassée par les effets de son charme.
La mise en scène est très précise, et se fend même de quelques très belles trouvailles (un cadre composé de miroirs qui décomposent le jeu de Dominique Sanda, visage, main ; un micro-travelling devant le visage du héros qui raconte son passé à table)… Cette précision, c’est celle qui permet à Garcia de ne pas redouter de céder au mépris de classe, et de montrer ce qu’elle veut montrer, sans chercher à s’excuser comme Kechiche. Comme chez Iram Haq, la tristesse est une donnée de départ, à ceci près qu’elle est ici partagée par les deux personnages qui se rencontrent. Le beau personnage de la sœur amoureuse de son frère, joué par Déborah François, possède d’ailleurs une touche de tristesse jamais avouée qui épargne au portrait de l’aristocratie d’être trop uniforme. Avec la même conviction solaire que celle qui fait choisir à son héros une vie plus compliquée mais plus utile, le film affronte le sentiment d’humiliation présent à tous les étages de la société, chez les pauvres oppressés par le manque d’argent, comme chez les riches terrifiés à l’idée que leur héritage ne se retrouve pas entre les bonnes mains. Et puisque l’on parlait plus haut de La Fontaine, venons-en à la morale, simple, hédoniste, du côté de ceux qui regardent passer les Porsches plutôt que d’en acheter – et s’en contentent. C’est sur l’image de ce bonheur-là que se termine mon festival des Arcs. Image de l’engagement ? Oui : celui d’un ancien aristocrate ayant renoncé à tout pour modifier sa vie en profondeur et, finalement, non pas changer la société à tout prix, comme un Lech Walesa de cinéma, mais simplement trouver le bonheur dans la certitude qu’il agit, et qu’il agit comme il faut.