FID Marseille 2009 / festivals / éphémères

8 juillet 2009. C’était dit, nous voilà. Seconde descente dans le sud, direction Marseille. Le FID a vingt ans, la direction de Jean-Pierre Rehm huit, l’ouverture à la fiction trois. Independencia, quelques semaines. Rendez-vous certes plus ésotérique que la Croisette, mais qu’on voudrait raconter avec la même vitesse que Cannes. L’exercice est à nouveau nouveau, on l’espère profitable. Inutile de jouer les apprentis contrebandiers, nous couvrons depuis longtemps cette kermesse incontournable que pour faire court on va simplement appeler festival, et qu’un long partenariat lie aux Cahiers.
Nous débarquons sur le vieux port avec milles envies, des cases vides, nos carnets. Pour les remplir, quelques forces de plus. Et quelques ancres de moins. Libérés de la gêne qui venait du partenariat, on peut jouer franc jeu et s’attabler pour un long entretien avec Jean-Pierre Rehm. Occasion de parler de ce que cette nouvelle édition promet, et de revenir sur une programmation qui en huit ans aura introduit Pedro Costa, Raya Martin, Pierre Creton, Apichatpong Weerasethakul, Wang Bing, et l’idée que le documentaire, en tant que laboratoire de fiction, cohabite naturellement avec des fictions.
Parmi eux, parmi elles, trois guides déjà. Le premier est Material de Thomas Heise. Film-fleuve de trois heures vu au Forum de la Berlinale, et qui sera un des points forts de la Compétition Internationale (CI). Nous avions déjà eu avec lui une longue conversation, l’occasion permet de la publier enfin.
Le second est James Benning. Qui ne sera, au FID, qu’au générique d’un film splendide, Lunch Break (CI), réalisé par Sharon Lockhart. Ou encore, dont l’enseignement se fait sentir dans California Company Town de Lee-Ann Schmitt, l’une de ses élèves à l’Université de CalArts. James Benning ? Immense cinéaste américain, l’auteur d’une œuvre à prendre comme une histoire populaire des Etats-Unis, qui influença profondément Profit Motive and the Whispering Wind de John Gianvito, révélé à Marseille il y a deux ou trois ans. Une rétrospective intégrale est prévue au Jeu de Paume, à l’occasion du Festival d’Automne, à partir de fin octobre. Notre dernière boussole est un court métrage. Le dernier film de Jean-Claude Rousseau, qu’il dit lui même petit alors qu’il est grand. Série noire, lire « série de noirs », vient peut-être du dernier plan du Diable probablement. Entre un noir et le suivant, le plaisir pervers d’une vue du ciel, niée par la présence d’une façade, évoque deux vers célèbres du philosophe italien Giacomo Leopardi : « Sempre caro mi fu quest’ermo colle / E questa siepe, che da tanta parte / Dell’ultimo orizzonte, il guardo esclude ». On songe aussi au dernier Straub, riche de plans vêtus de deuil. Qui le verra – au FID ou bien dans ces pages, car en toute fin de festival Independencia le diffusera exceptionnellement - émettra sa propre hypothèse. La nôtre est que Série noire pousse plus loin que jamais la mise à plat de l’image. Ici, noir oblige, c’est avant tout des sons que Rousseau lisse dans ses courbes, aspérités, profondeurs jusqu’à obtenir une seule ligne d’harmonie – concert de chambre pour terrasse et scooter.
Parmi les vignettes à venir, il y en aura plus d’une pour apprendre comment se fait le cinéma accueilli ici. Et comment il peut être montré. La présence d’un jury du GNCR et des acteurs de l’action culturelle – dont notre complice à Independencia Quentin Mével – est une occasion précieuse pour discuter d’une politique commune forte et soutenable. On a beaucoup dit que le cinéma du milieu est nécessaire pour faire vivre la marge. Le label « Art & Essai » contient sous le nom de la recherche le cinéma le plus conservateur qui soit. L’avant-ringarde : Assayas, Hansen-Love, Denis, Jacquot… Il semble d’ailleurs que le marge admis dans l’Art & Essai serve de caution à tout un cinéma que plus papa on ne pourrait pas.
Vive les grands pères. Louis Skorecki par exemple. Sur les violons, la télé, Rio Bravo et Bob Dylan (un de nos chantiers pour la rentrée), nous ne pouvons que le rejoindre. Jeudi 9 et lundi 13 en séance spéciale, Skorecki déménage racontera l’histoire d’un type quittant avec armes et bagages la presse pour le blog. Curieuse coïncidence et occasion pour parler de la cinéphilie, la nouvelle contre les prochaines, celles de la télé, d’Internet et de Bob, pour une fois.
Avant et encore avant. Il y eut l’année dernière le mémorable « Geste vidéo », rétrospective conçue par Cyril Béghin autour de la période vidéo de Robert Kramer. Nous avions alors enregistré une discussion, à publier sur le site. Transcrite ou audio, cela reste voir – la première solution est préférable mais prend du temps. L’autre chapitre est celui du travail de Jean-Pierre Gorin. Il entamait l’année dernière un volet sur le politique américain. Il est doublé cette année d’un volet français : sa collaboration avec JLG. A suivre de près.

Cyril Neyrat, Eugenio Renzi, Antoine Thirion.

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