Amiens 2011 / festivals / éphémères

VOYAGES EXTRAORDINAIRES

Lorsque nous arrivons à Amiens, le tapis rouge est encore sous cellophane. Il pourrait pleuvoir. Il ne pleuvra pas. La lumière froide de ce week-end du 11 novembre dans la Somme baigne les festivaliers qui commencent à affluer et ne les dissuade pas de venir chercher la lumière du projecteur. Lumière chaude, à bien des égards. Que ce soit dans ses documentaires sur l’actualité brûlante ou ses cycles consacrés au cinéma mexicain (cette année est celle du Mexique en France) et gabonais, tout semble conçu pour exorciser l’impression que nous nous sommes rendus en Picardie au beau milieu de l’automne. En dépit d’une rétrospective consacrée à Nukufilms, studio d’animation estonien (cette année est celle du festival Estonie Tonique à Paris), le festival semble caractérisé par un très net tropisme vers les régions équatoriales, ou du moins méridionales, à l’instar de la trentenaire fuyant la Belgique pour la Corse dans le très séduisant Au cul du loup, dont l’actrice principale et le réalisateur nous accorderont une longue interview autour d’un petit déjeuner, le dimanche matin, avant de remporter, quelques jours plus tard, le Grand prix du Jury à l’unanimité ainsi que le Prix du public. Terre – Lune

Cérémonie d’Ouverture

De la Terre à la Lune, de Georges Méliès.

Pour l’instant cependant, vendredi soir, la cellophane vient d’être ôtée : le grand théâtre de la Maison de la Culture est comble, et Jean-Michel Noirey, hôte de la cérémonie d’ouverture, imite l’accent ch’ti. Pour la mise en orbite du festival, De la Terre à la Lune est projeté dans une version restaurée d’exception. C’est que Jules Verne a grandi à Amiens et y repose, à quelques pas de la gare, depuis 1905 - soit trois ans après l’adaptation de son roman en court-métrage par Méliès. L’image rougeoie, comme incandescente, attisée par une bande-son signée Air qui souligne le côté guignolesque de la mise en scène. Sur la pellicule les personnages ont été peints à la main, et ces couleurs, pop en diable, réapparaissent sur l’écran du Grand Théâtre : l’œil de la Lune répand un sang rouge sombre, ses habitants sont d’un joli jaune empoussiéré. Un peu de cinéma français, un peu de cinéma américain, beaucoup de cinéma du monde, un peu d’animation, quelques documentaires, trois compétition de longs, de courts et de moyens-métrages : Amiens est un condensé de tous les festivals possibles et s’attache à relier entre eux les moindres points du cinéma. Le film d’ouverture trace une première trajectoire, la plus vaste possible, Terre, Lune. Déjà présent en 1992, Joe Dante est de retour cette année, reliant discrètement la cité Picarde à Hollywood. Philippe Mory, 76 ans, la relie au Gabon, pays dont il fut le premier réalisateur en 1971, avec Les tams-tams se sont tus, après avoir joué dans On n’enterre pas le dimanche, prix Delluc 1959. Autour de ces deux moments forts, une multitude de rétrospectives ; d’autres hommages encore (à Bernard Herrmann, notamment, qui aurait été centenaire cette année).

En marchant de la gare vers la Maison de la Culture, vous passez près de Notre-Dame d’Amiens, la plus haute cathédrale de France. A la croisée de la nef et du transept, les dalles dessinent un labyrinthe. Il fut placé ici pour les chrétiens ne pouvant pas se permettre d’effectuer le pèlerinage de Paris à Saint Jacques de Compostelle. Le festival d’Amiens est à l’image même de ce labyrinthe : à ceux qui ne peuvent se permettre de faire le tour du monde, à ceux qui ne peuvent se permettre de faire le tour des festivals, il offre un itinéraire symbolique complet. Nous nous sommes rendus en Picardie au beau milieu de l’automne, et, sur le seul premier jour que nous avons couvert, nous avons voyagé huit fois.

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