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The Dark Knight Rises  de Christopher Nolan

Caractères dominants

3,8

Au début de cette longue fin de trilogie, dans un avion en vol, un type à l’air d’appartenir aux services secrets procède à l’interrogatoire musclé de deux prisonniers encagoulés. Un avion plus grand survole le premier, le harponne et le fait pendre au bout d’un fil. Action : le gros poisson mange le petit. Morale : il y a toujours plus grand que toi. Bane en l’occurrence. Il est grand, fort, impitoyable, doté d’une voix de synthèse et d’un masque inamovible. Mais justement, vous vous en doutez, il y aura plus dur que lui.

On pourrait presque en rester là. Au fait que le dernier Batman accueille un nouveau monstre venu d’Orient dont il montre la suprématie à la fois physique et éthique pour le casser jusqu’au ridicule. Produit d’une sélection naturelle, élevé dans l’environnement infernal d’une prison orientale, le dit Bane est censé être supérieur au héros de Gotham, qui a vécu pour sa part dans le privilège d’un manoir américain. Reclus, celui-ci a perdu sa force physique et morale, et lorsqu’il retrouve le costume, c’est dans le but de le voir se faire passer à tabac. La balance des forces est rétablie en envoyant l’homme chauve-souris en stage de remise en forme dans la même prison où le monstre s’est endurci – au passage, pas si méchante que ça la fosse en question, voire plutôt confortable puisque propre et lumineuse, munie d’une équipe de psys et de kinés pointus et de cellules avec télévision câblée.

Quelques références à l’actualité ont fait couler de l’encre. Wayne perd de l’argent. Bane, de son côté, surfe sur un sentiment d’enragement anti-riches pour organiser une sorte de Commune où les ennemis du peuple sont jugés de manière expéditive. Tout est assez caricatural. Catwoman (Anne Hathaway) était en principe plutôt en attente de l’orage. Elle est très vite déçue par la gestion banniste-leniniste de la ville. De toute façon, il n’a jamais été question de politique. La révolution est un leurre. Bane est un leurre. Le véritable chef des méchants est un autre, animé par un bien conventionnel sentiment de vendetta (on a tué papa, devinez qui). Il veut tout détruire et n’y arrivera pas.

À nouveau, le grand mal a un visage d’ange. Pour découvrir de qui il s’agit, il faudra patienter deux heures trente de monologues fatigants et de scènes d’action peu inspirées. Opportuniste et paresseux dans ses métaphores politiques, banal dans sa noirceur terminale, réactionnaire et quasi sans intérêt dans ses détails, de l’effondrement du Yankee Stadium jusqu’au digestif qu’Alfred déguste lors de ses virées florentines - Fernet-Branca, célèbre en Italie pour son slogan fasciste vantant un « caractère dominant  » - The Dark Knight Rises passionne autant que le compte à rebours de la bombe qui doit y exploser ; inutile de la réamorcer.

par Eugenio Renzi, Antoine Thirion
dimanche 29 juillet 2012

Titre : The Dark Knight Rises
Auteur : Christopher Nolan

Scénario : Christopher et Jonathan Nolan

Image : Wally Pfister

Montage : Lee Smith

Casting : Christian Bale, Gary Oldman, Anne Hathaway, Marion Cotillard, Joseph Gordon-Levitt, Morgan Freeman, Michael Caine

États-Unis, 2h44, sorti le 25 juillet 2012.

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