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Opium  de Arielle Dombasle

Toilette funeraire (a cappella)

3.1

Une ruelle sombre et mal famée. Des apollons loubards aux marinières moulantes et aux moustaches postiche, généreusement baignés d’une lumière colorée. Ces mauvais garçons se sont échappés de l’imagination de Jean-Paul Gaultier, et ils ont l’air furibard. Qui est cet élégant, qui brave leurs regards haineux et se perd parmi eux ? C’est Jean Cocteau, qui vient chercher un plaisir honteux et rapide, tandis qu’une bande son électrique et saturée strie ce rendez-vous défendu. Qui est derrière la caméra ? Serait-ce Abel Ferrara, un jour de petite forme ? Non. C’est Arielle Dombasle, dans ce qui est probablement l’une des scènes les plus étonnantes d’Opium, ce qui en l’occurrence signifie beaucoup. Le film-hommage relate les amours du poète avec Radiguet dans une période trouble de désintoxication, et tire son titre de l’ouvrage éponyme, sorte de journal de cure. « L’amour, l’opium, deux drogues mortelles » pour citer le dossier de presse du film. Jean Cocteau (Grégoire Colin), confié aux doigts excentriques de la muse rohmérienne, évolue dans un monde étrange, où chacune de ses connaissances vient à lui en disant « je suis Tristan Tzara », ou bien « moi, André Breton » ou encore « en qualité de Man Ray, je » etc… On chante aussi beaucoup, dans ce monde-là, des poèmes de Jean Cocteau mis en musique, pour exprimer toutes sortes de sentiments. Aucun effet de montage, aucun mouvement de caméra, aucun éclairage ne manque à l’appel strident de la réalisatrice.

Il est probable qu’Arielle Dombasle ait su s’entourer d’amis bienfaisants, à commencer par Grégoire Colin à qui on ne peut rien reprocher en Jean Cocteau blasé. On ne peut pas dire que le film « fasse Cocteau » (ambition assumée, à grand renfort de design à la manière de), mais il a pour lui une folie hétéroclite arrosée de moyens suffisants pour passer de fantaisie série B à fantaisie série B deluxe. D’ailleurs, force est de reconnaitre l’efficacité de certains effets de manche et de quelques tours de chant. Ainsi, la confrontation de Cocteau avec la déesse de la mémoire Mnémosyne (interprétée par… Arielle Dombasle) est un moment musical inventif. Si certains esprits chagrins ne savent pas se contenter de l’histoire qui leur est racontée, ni même du nec plus ultra de cette poudre de perlimpinpin, ils pourront au moins prendre note de la substance des rêves des puissants. Que fait-on lorsque l’on déborde d’amour de l’Art, de fantaisie glamour et de trésorerie ? On fait Opium.

par Louis Séguin
samedi 12 octobre 2013

Titre : Opium
Auteur : Arielle Dombasle

Avec : Grégoire Colin (Jean Cocteau) ; Samuel Mercer (Raymond Radiguet) ; Arielle Dombasle (Mnémosyne) ; Niels Schneider (Maurice Sachs) ; Hélène Fillières (Marie-Laure de Noailles) ; Marisa Berenson (La Marquise de Casati) ; Julie Depardieu (Nyx) ; Anna Sigalevitch (La princesse de Polignac).

Durée : 1h 18min.

Sortie : 2 octobre 2013.

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