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31e Festival International du Film d’Amiens – 11-19 novembre 2011

Estonie-Enfance

Inauguration de la rétrospective « Nukufilm »

Présentée dans le cadre du festival Estonie Tonique, cette ramification du festival d’Amiens apparaît d’emblée comme l’une de ses singularités les plus intéressantes. Maison de production créée à contre-courant du stanilisme en 1957, Nukufilm (« films de marionnettes » ou « films de poupée ») est en Estonie une véritable institution, et une fierté nationale. Au terme d’une présentation sans fioritures, Mait Laas, venu représenter Nukufilm au festival, confirme sa maîtrise de ce fascinant humour sérieux qui caractérise chacun des courts qui vont suivre en affirmant sans sourire que les poupées du studio sont comme des « poupées vaudoues », capables de changer le monde à leur manière. Nous sourions.

Et le sourire s’installe. Au fil des six courts métrages qui suivent se déploie une énergie créatrice sans limites apparentes, s’annexant tous les thèmes et tous les instruments, toutes les techniques. De La Chasse des souris jusqu’à Trois ours à Paris, les animateurs de Nukufilm font la preuve d’une maestria inventive qui laisse pantois : on a rarement vu autant d’idées se succéder à la minute, autant de sentiments se laisser lire sur les visages modelés ou cousus de ces pantins extraordinaires. Tout est merveilleux, tout est nouveau, et l’on retrouve ses quatre ans dans l’enthousiasme, sans oublier les mots de Mait Laas et ses poupées vaudoues. Mais si tout semble être jeu, jeu admirable, l’énergie hors du commun qui donne vie à tout cela puise manifestement sa source à quelque chose que l’on ne dit jamais vraiment, plus grave et plus sérieux. Réalisé en 1996 par Mait Lass, Quelqu’un d’autre filme la rencontre d’un petit elfe de tissu et d’un acteur réel, mais filmé en stop-motion. Dans leur abri perdu au milieu d’une décharge, les deux acolytes incongrus résistent vaillamment aux assauts d’une créature terrifiante qui s’est construite elle-même avec les détritus du monde des hommes. L’issue est heureuse, mais un certain malaise demeure, né de la coexistence dérangeante entre le pantin, le jouet, l’enfance, avec l’acteur et la décharge immense. Comme l’elfe de tissu au joli bonnet rouge, la créature violente sortie de la décharge est fille de l’homme, venue envahir l’écran et le conte de son droit ancestral à la reconnaissance. Voilà qui est fort, à plus d’un titre.

Au coeur de cette projection enthousiasmante à tous les égards, un véritable joyau : Des clous, casse-tête minimaliste mettant les animateurs au défi de tout faire (séduire, s’aimer, se battre) avec rien. C’est indéniable : les animateurs de Nukufilms savent en effet tout faire, même avec des clous. Différencier les hommes des femmes d’une pliure suggestive, chorégraphier des tangos, dompter des fauves. A chaque matériau correspond son univers : ils ont, assurément, une infinité des deux.

par Noémie Luciani
jeudi 24 novembre 2011

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