On peut toujours espérer que la franchise de Robert Rodriguez raconte autre chose que son propre naufrage, plutôt que le lent déclin de son héros, Machete (Danny Trejo). Machete Kills, second opus d’une trilogie annoncée, n’est qu’une version dégradée et sans imagination du premier volet. Celui-ci admettait rapidement ne rien avoir à proposer de plus que la perpétuation réussie de l’héritage de la série B, et poussait en réaction le grand-guignol et l’absurdité des péripéties à leur maximum.
Cette fois, les personnages s’effacent derrière les acteurs : Charlie Sheen, Lady Gaga et Mel Gibson remplacent presque poste pour poste Steven Seagal, Lindsay Lohan et Robert de Niro en stars déchues et sans avenir. Le scénario est tellement épuré qu’il n’en reste pas grand-chose, si ce n’est la promesse d’un troisième épisode qu’on attend encore plus foutraque. Dans les morceaux d’intrigue qui gisent encore à l’écran, Machete perd donc son acolyte d’agent secrète (Jessica Alba) et est accusé de son meurtre, perpétré en réalité par les hommes de Luther Voz (Mel Gibson), marchand d’armes ; le président américain (Charlie Sheen) recrute Machete pour déjouer un complot ourdi par Voz et menaçant la planète entière. Pendant ce temps, un mystérieux “Caméléon” (Lady Gaga, qui partage le rôle avec quelques autres) la joue solo, d’ailleurs le film n’en a cure, un peu comme du reste. Trejo, en Machete, tente de sauver le film plus que d’échapper lui-même à la médiocrité ambiante. Il joue le seul personnage intéressant du film, sérieux jusque dans la barbarie, et c’est finalement le seul à agir intelligemment contre la bêtise, tout en étant plus drôle que la ridicule réplique qu’il répète sans cesse (“Machete don’t tweet”).
Comme le premier opus, Machete Kills est gentiment critique sur l’impérialisme et le racisme américains, à rebours de son étalage de violences et de gunfights, dont la plasticité de série B ne saurait néanmoins choquer. C’est au Mexique que se déroule la majeure partie de l’action du film, et le président américain se voit contraint d’envoyer Machete de l’autre côté de la frontière. La politique extérieure américaine est montrée comme une bêtise absolue puisque le président obéit aux ordres d’un cinglé. Même les effets de série B - corps déchirés, têtes amovibles - ont l’air pathétiques à coté tant ils ne font que répéter des gimmicks, perdant par là même leur caractère originellement irrévérencieux. Le fond consensuel s’avère ici plus rebelle que la forme, définitivement ringarde. C’est dire si l’aspect conservateur de la trilogie - faire vivoter une tradition de la série B - finit de déteindre sur tout le film : même un discours démocrate de gauche, provocateur comme un discours d’enfant, finit dans le même grand sac de la réconciliation quasi familialiste.
Dès lors, l’intérêt du film réside dans ses marges, le début et la fin, qui se partagent chacune une moitié de bande-annonce du prochain opus : Machete Kills Again… In Space. Le seul film qui fasse envie, parce qu’il promet d’être vraiment sans queue ni tête et de faire de la forme même du film un trou noir où se jetteraient tous les déchets possibles et imaginables du cinéma commercial, de Starship Troopers à Star Wars, au lieu de ne faire que semer ici ou là des gags de série B. Trop terre-à-terre, peut-être est-ce en s’envolant vers l’espace que Rodriguez trouvera un lieu où la banalité et l’ennui n’ont plus cours, et l’imagination un peu plus.